J'ai une araignée au plafond
J’ai une araignée au plafond
Dès le premier jour, au premier grattement
On s’est plutôt bien entendues
Elle prend des mots dans sa toile
Chaque soir, elle m’en lance un,
Je l’attrape au vol
Tenez lundi dernier,
« Galimafrée ! » me gourmandille-t-elle
La mouche n’était pas assez juteuse
Trop véreuse sans doute
Pour ma vétilleuse amie
Et mardi donc :
« Lésineuse ! » gouaille-t-elle
Le moucheron est anorexique
Faudrait-il que je rabatte
De la drosophile pour elle
Tissant mon fil de pêche ?
Mercredi, elle me jette « demi-passion »
Avec quelques gracieusetés tout de même
Mais dès le Jeudi, recroquevillée,
Elle se diagnostique une : « acédie torpide »
Ah ! les affres de la vie à deux
Elle s’afflige car je rentre tard
Et je me la sors de la tête
Vendredi est à la « billebaude »
Le désordre, le « tabut » crie-t-elle
Lui font danser la gigue sur un fil
Suspendue par une patte
Je maille vite un filet de secours
Pour satisfaire sa fièvre,
Elle ordonne un amusoir
Chaque premier samedi du mois
Quel vertigo est-ce donc là,
Belle arachnéenne ?
Et dimanche, la voici qui se lève
« A la venvole, murmure-t-elle,
Je vais m’acagnarder dans ton fauteuil
Peut-être m’accointer avec une semblable
Galantiser une coquette
Qui ne troussera pas bagage comme toi »
J’ai une araignée au plafond
Qui a attrapé au vol les mots oubliés
Des fantômes centenaires de ma maison
Et je suis prise dans sa toile
Roulée dans son cocon de balivernes !
©Scarlett3
Dialogue avec « Mon frigidaire et moi », « Parlure »